La série des Empreintes est née de la volonté de capturer la trace laissée par l’improvisation d’un instrumentiste. La particularité de ces œuvres, pour instrument soliste et ordinateur, est de ne pas exister sous forme écrite avant l’exécution publique : la partition s’écrit pendant le concert, devant l’instrumentiste qui lui donne vie. La réalisation musicale de cette pièce se déroule en deux phases. Dans un premier temps, l’instrumentiste improvise librement, sans contrainte d’aucune sorte, tandis que l’ordinateur écoute et mémorise les inflexions mélodiques et les modes de jeu. Lorsque l’instrumentiste le décide, il donne un signal musical à l’ordinateur afin de l’inviter à poursuivre : commence alors, seulement, l’écriture de la partition. Projetée sur écran, devant le public ou à destination de l’instrumentiste seul, la partition est interprétée par le soliste.
Pour concevoir cette relation entre l’interprète et l’ordinateur, qui ne relève ni de l’affrontement, ni du dialogue concertant, le compositeur a introduit une forme musicale virtuelle dans un espace de représentation abstrait, qu’il qualifie de mélodie solide et qui contient en germe la partition à écrire. Cette forme musicale s’actualise à partir de l’improvisation libre : l’ordinateur conserve une trace du jeu de l’instrumentiste et la fait ressurgir pour élaborer à la fois la structure formelle de l’œuvre, mais aussi ses composantes harmoniques et mélodiques. Le musicien peut avoir, au cours du jeu improvisé, une certaine emprise sur l’écriture ultérieure de la partition, sur des éléments de tessiture ou des configurations mélodiques particulières, mais sans pouvoir contrôler le détail, ni les structures mélodiques précises qui ont été choisies par le compositeur. Il n’y a donc aucune délégation des prérogatives du compositeur, encore moins de choix laissé au hasard ou à la machine, mais l’acceptation d’une indétermination relative accordée à l’instrumentiste et le désir de mêler intimement, dans une partition écrite, le côté impalpable de l’improvisation et la rigueur d’une forme pensée dans son unité.